Les «congés» de maternité

Sur ce blogue ou ailleurs, nous avons eu droit à quelques montées de lait sur la notion du congé de maternité. Plusieurs nouvelles mamans se défendent bien d’être en relâche. Des vacances? Évidemment! Un tout-inclus (à l’hôpital), des sorties quotidiennes (pharmacie, clinique, halte d’allaitement, atelier de massage ou de nutrition…), des nuits blanches, traîner en pyjama, faire la sieste en après-midi (ou essayer), manger à toutes sortes d’heures…

Au premier bébé, on maudit le mot débutant par la lettre «C» dans congé de maternité.

On rage, car on n’a jamais été si fatiguée. Additionner les chiffres de nuit et de jour, s’inquiéter, porter 36 chapeaux, prévoir l’imprévisible… On s’ennuie de cette vie dans laquelle nous devions être utiles huit heures par jour et méritions repos et oisiveté les seize heures suivantes.

À la première grossesse, notre tête se gonfle de projets aussi rapidement que notre cœur se gonfle d’amour. Puis, nous sommes déçues parce que nous y avions cru. Avouez qu’en plus des couches et de l’allaitement, vous aviez prévu un tas de projets personnels pour cette année-là! Lire les livres qui s’accumulent et s’empoussièrent dans la bibliothèque? Compléter une formation universitaire? Peindre des toiles ou créer de la musique? Du bénévolat? Une remise en forme? Apprendre à cuisiner comme un chef? 

Les quatre premiers mois de maternité, nous ne faisons qu’être. Quatre mois pour émerger d’un tsunami.

Le quadrimestre suivant, nous courons les activités maman-bébé. Nous revisitons les lieux et les héros de notre enfance: le zoo, les pataugeoires, le père Noël, le lapin de Pâques… Nous découvrons la petite enfance par des lectures et des ateliers. Nous découvrons l’unicité de notre petit humain à travers son développement global. Les mois qui précèdent le retour au travail, nous intégrons progressivement le bambin à la garderie, nous profitons de ce répit pour remplir le congélo de repas cuisinés et pour achever le grand ménage.

Un an plus tard, de retour au boulot, on s’ennuie bien un peu, mais moins que prévu. On retrouve le plaisir de faire un métier qu’on a choisi, de disposer d’une véritable pause pour dîner, de fermer la porte derrière soi lorsqu’on va au petit coin, de parler avec des adultes sans avoir à surveiller bébé du coin de l’œil. C’est aussi l’occasion de rééquilibrer les tâches à la maison. «Chéri, il faudra que tu recommences à cuisiner et que tu passes chercher les enfants à la garderie. On travaille tous les deux désormais.»

Au bout de quelques mois, on retombe enceinte. On s’aperçoit que c’est pas mal plus épuisant que la première fois.

On est nostalgique de cette grossesse pendant laquelle on se reposait et on se faisait gâter par papa. On peine encore à concilier travail et poulette de dix-huit mois qui ne fait pas toujours ses nuits. Ajoutons à cela des prises de sang, des échos, des rendez-vous avec la sage-femme ou le docteur. Et tout ça en réduisant le café!  On a hâte d’accoucher, surtout pour LA rencontre, mais aussi pour le «congé». On prononce le mot en grinçant des dents, mais on le prononce quand même. 40 heures de moins dans une semaine pour s’occuper de deux gamins, plutôt qu’un seul, ne devrait pas être si pire.

Puis, on redécouvre l’intensité si vite oubliée des premiers mois. On n’ose pas envoyer l’aînée à la garderie tous les jours. Elle est encore si jeune! Puisqu’on a le choix, n’est-ce pas préférable d’en profiter pour passer du bon temps avec nos deux cocos et encourager la création de liens solides entre eux? On gère un «terrible two» et un nourrisson. On nettoie et on cajole toute la journée. Après un an, on en a hâte de reprendre le boulot. En même temps, on s’est habitué au rythme familial. On craint un peu la course boulot, marmaille, dodo.

Le retour à la «vraie vie» nous fouette. L’adaptation est plus longue que la première fois.

Lorsqu’on retrouve enfin l’harmonie, nous ressentons souvent le désir de l’éprouver à nouveau. Pourquoi pas en faire un troisième?

Après un an ou deux, nous en pondons un petit dernier. Nous angoissons à la vue de ce ventre qui croît à nouveau. La réalité a souvent eu l’occasion de nous enseigner que la maternité n’est pas toujours rose. Les années qui nous passent dans le corps étant rarement d’une grande aide, nous savons que les nuages surplombent nos rêves. Notre corps expulse enfin cet ultime poupon qu’on déguste (presque) tout doucement.

À bébé numéro un, on découvre l’intensité et la permanence de la parentalité…  Au second nourrisson, on réalise à quel point un même moule peut créer des êtres différents. On met en pratique toutes les recettes apprises avec l’aînée, celles qu’on se plaît à enseigner à toutes les nouvelles mamans. Malheureusement, on constate notre erreur. Il ne suffit pas d’avoir la bonne méthode, mais il nous faut aussi le bon bébé pour aller avec… Au troisième, on a moins de certitudes, mais on est mieux outillé pour répondre aux véritables besoins de cet humain singulier. On prend plaisir à le découvrir.  On ne rédigera peut-être pas de mémoire de maîtrise. Nos livres continueront de s’empoussiérer. On peut oublier notre belle peinture murale.

Mais on prendra cette année pour ce qu’elle est: un congé de travail pour jouer le rôle d’une vie, pour accueillir un humain tout neuf, doucement, à son rythme.

Au troisième (quatrième? cinquième?) retour au boulot, nous avons le cœur gros, en pensant à tous ces doux moments qu’on laisse derrière nous. On se demande si on saura tout coordonner. Est-ce que les rendez-vous des enfants, les absences pour maladie, les concerts scolaires, la semaine de relâche, ainsi que les rencontres avec les éducatrices pourront tous et toutes rentrer dans l’assiette? En théorie, on devrait réussir notre examen en logistique, mais en pratique, qui sait? Y aura-t-il grève dans les CPE cette année ou quelques tempêtes?  (Parce que ben non, même moi qui prétends toujours prévoir le pire, je n’avais jamais imaginé une pandémie!) Et si je tombais malade? Si je gaspillais mes journées de maladie pour mon mieux-être à moi? Ce serait bien le comble!

On était tellement ben en congé!! Et on réalise que cette fois, on a oublié de mettre les guillemets.

On constate à quel point cette année passée à la maison à l’arrivée de chaque bébé constitue un privilège et un recueil de souvenirs précieux. C’est là qu’on admet, qu’on a beau chialer pour plusieurs autres raisons, on est quand même chanceux au Québec de disposer d’un an d’arrêt de travail pour couver nos trésors. Est-ce qu’on peut l’exprimer aussi cette reconnaissance-là?

Mélissa M.

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À propos de l'autrice

Mélissa Meunier

Maman de trois gamins de 5 à 10 ans et la volonté de devenir famille d’accueil, Mélissa est directrice d’organisme communautaire depuis 12 ans, belle-maman de 3 beaux adultes, bientôt mamie et «mamange» de 3 espoirs envolés: la parentalité articule son quotidien avec passion et dévouement.

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