Je pense à toi, tous les jours de ma vie. Lorsque je croise un lac sur ma route, lorsque j’entends une chanson que tu aimais, lorsque je sens ton odeur dans l’air…
Je pense à toi, tous les jours de ma vie et pourtant… j’oublie.
Pendant un certain temps, j’étais capable de sentir ta main serrant la mienne. J’était capable d’entendre ta voix me dire ce que j’imaginais que tu me dirais. Je pouvais fermer les yeux en te voyant parfaitement, tellement je connaissais chaque détail de ta personne.
Je pense à toi, tous les jours de ma vie mais… ma mémoire qui oublie te fait disparaître tranquillement.
Je n’arrive plus à entendre le son de ton rire. Je ne sais plus comment c’était que de pouvoir te raconter ma journée. Et lorsque je parle de toi, je ne sais plus quoi imager.
Ma mémoire qui oublie se souvient d’un exposé oral réalisé en 3e année. Elle se souvient de règles inutiles, d’informations futiles et de détails subtiles. Mais ma mémoire qui oublie me fait perdre le fil qui me reliait à toi. Elle le coupe tranquillement, me privant des émotions que j’éprouvais. Elle le coupe tranquillement, me privant des souvenirs partagés avec toi.
Ma mémoire qui oublie, parfois bien utile, est en train de me faire perdre tous les souvenirs qui me rapprochaient de toi.
J’ai la capacité de passer rapidement à autre chose grâce à mon cerveau qui vit dans le moment présent, comme si le passé n’avait jamais existé. Je ne reste jamais triste longtemps, jamais fâchée longtemps et j’oublie rapidement ce qui n’apporte rien à ma vie. Mais… ma mémoire qui oublie… m’empêche également de me souvenir de toi.
Lorsque je parle de ta personne, lorsque je parle de la fin de ta personne… on me dit résiliente d’avoir pu passer par-dessus cette épreuve en devenant encore plus forte. Mais lorsque je parle de ta personne, je raconte une histoire que je n’arrive plus vraiment à sentir parce que ma mémoire qui oublie me prive tranquillement de toi.
J’ai oublié énormément de moments, énormément de personnes, parce que mon cerveau semble faire le ménage au fur et à mesure pour me permettre d’être ouverte à tout ce qui m’arrive.
J’ai toujours apprécié cette faculté, mais maintenant que je suis sur le point d’oublier les détails de ma mère j’aimerais pouvoir me rappeler.
J’aurai beau toujours savoir qu’elle a existé, j’aurai beau savoir à quel point je l’ai aimée, c’est difficile de réaliser que les souvenirs s’effacent et que le présent prend la place d’une partie que j’aurais voulu conserver.
J’ai toujours refusé de vivre dans le passé, mais lorsque le passé commence à s’effacer… c’est difficile d’accepter que l’on puisse oublier.
Marie-Soleil F.